Obligations professionnelles | Testament en ligne : Attention de bien remplir vos obligations!

L’accroissement des services testamentaires par le web apporte son lot d’enjeux pour le public  et appelle également à la vigilance des notaires. Le notaire qui collabore à ces initiatives respecte-t-il ses obligations? Qu’en est-il de son devoir de conseil et de sa responsabilité?

Ces questions sont d’autant plus pertinentes que certains services en ligne avancent qu’en complétant quelques informations et payant quelques dollars, le client se retrouve avec un testament sous la forme notariée et n’a qu’à prendre rendez-vous avec le notaire désigné (et payé) par le prestataire pour l’« exécuter »…

Il va sans dire que cette situation préoccupe la Chambre des notaires du Québec. Sans effectuer une analyse exhaustive du rôle joué par ces notaires « collaborateurs » et de la portée de leur mandat, l’absence de conseils juridiques est un élément suffisamment grave pour proscrire cette pratique.

Rappelons que la force de l’acte notarié réside non seulement dans l’accomplissement des formalités techniques, mais dans un long processus d’accompagnement du client par le notaire afin que ce dernier, lorsqu’il signe et s’engage, comprenne bien la portée juridique de ses engagements. On doit se rappeler également que la limitation de mandat se veut une façon efficace de circonscrire les interventions du notaire dans un dossier. 

Bien qu’utile, l’utilisation du mandat limité doit être appliquée avec discernement. En effet, limiter certaines fonctions du notaire dans un dossier pourrait aller jusqu’à mettre en péril le caractère authentique d’un acte. C’est le cas du devoir de conseil : dans le cadre de son rôle d’officier public, le notaire peut-il limiter son mandat afin de se soustraire de son devoir de conseil ? La réponse, sans aucune équivoque ni nuance, est non.

L’article 11 de la Loi sur le notariat est clair à ce sujet. En guise de rappel, voici son libellé :

  1. Dans le cadre de sa mission d’officier public, le notaire a le devoir d’agir avec impartialité et de conseiller toutes les parties à un acte auquel elles doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité.

Les parties qui signent un acte auquel le notaire confère le caractère authentique doivent avoir reçu les conseils appropriés par ce dernier. En effet, lorsque le notaire agit comme officier public, il ne peut invoquer que le client l’a exempté de le conseiller, pas plus qu’il ne pourrait prétendre que, par exemple, un acheteur lui a permis d’être partial dans un dossier de prêt/vente!

L’auteur Paul-Yvan Marquis définit comme suit le devoir de conseil du notaire :

« L’obligation à la fois morale et légale qui incombe au notaire d’éclairer les parties, suivant leurs besoins respectifs et les circonstances particulières de chaque cas, sur la nature et les conséquences juridiques, parfois même économiques, de leurs actes et de leurs conventions ainsi que sur les formalités requises pour assurer à ceux-ci leur validité et leur efficacité1 ».

Au surplus, ces conseils doivent être donnés sans que le client ne les sollicite. Leur intensité dépend du degré de connaissance des clients, de leur âge, de la complexité de l’affaire, de son caractère particulier et de bien d’autres facteurs que le notaire doit tenter de percer. C’est le rôle fondamental du notaire que de fournir les conseils et informer le client des conséquences! Y renoncer équivaut à se soustraire à ses obligations!

En conclusion, un notaire ne peut, en aucun temps, faire signer une limitation de mandat ou tout autre document le soustrayant de son devoir de conseil.

Pouvons-nous même conclure que l’acte perd son authenticité lorsque le signataire n’a pas reçu de conseils? Possiblement. Un testament signé par un testateur qui ne connait pas les conséquences de ses décisions ne peut avoir la même valeur que celui signé par une personne ayant reçu les conseils adéquats et propres à sa situation personnelle.


1 Paul-Yvan MARQUIS, La responsabilité civile du notaire, Traité de droit civil, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1999, p. 122.